March 5, 1985

So there have always been speech acts in the cinema. I’m asking if cinema presents us with specific speech acts or if these are non-specific speech acts, that is, which have no assignable difference with speech acts, which would simply be recordings of ordinary speech acts as they are in social life or which would not have specific differences with theatrical speech acts. You see that the question has a meaning: are there any formally specific speech acts, that is, which belong to cinema as such and which exist only within it? This would at least allow us to settle all kinds of nonsense about cinema-theater relations. Because there are already speech acts specific to cinema; you understand that there is no longer much need to reflect on the cinema-theater differences, namely that even at the level of speech acts, these will not be the same speech acts.

Seminar Introduction

As he starts the fourth year of his reflections on relations between cinema and philosophy, Deleuze explains that the method of thought has two aspects, temporal and spatial, presupposing an implicit image of thought, one that is variable, with history. He proposes the chronotope, as space-time, as the implicit image of thought, one riddled with philosophical cries, and that the problematic of this fourth seminar on cinema will be precisely the theme of “what is philosophy?’, undertaken from the perspective of this encounter between the image of thought and the cinematographic image.

For archival purposes, the English translations are based on the original transcripts from Paris 8, all of which have been revised with reference to the BNF recordings available thanks to Hidenobu Suzuki, and with the generous assistance of Marc Haas.

English Translation

Edited

 

While this session’s truncated length suggest some kind of omission, Deleuze reviews the previous session and then outlines three levels of analysis to be pursued, with a knot of problems located at each level. First, he addresses different facets of the terms “paradigm” and “syntagma”, also adding other key terms, “langue” (language system) defined various, e.g., as a double articulation system (monemes and phonemes). He then shifts towards Metz’s perspective, no longer considering cinema at the level of langue, but rather seeking the subjective language rules, that is, syntagmatic and paradigmatic rules. Deleuze situates Metz’s perspective, that is, if specific speech acts can be called cinematographic, how these might be classified, and then shifts toward a Kantian perspective of rules of use and not essence. Finally, Deleuze raises a general question for another session: what are properly cinematographic syntagma and paradigms, and what is (for Metz) the Grand Syntagmatic?

Gilles Deleuze

Seminar on Cinema and Thought, 1984-1985

Lecture 14, 05 March 1985 (Cinema Course 80)

Transcription: La voix de Deleuze, Stephanie Mpoyo Ilunga (Part 1) et Nadia Ouis (Part 2); additional revisions to the transcription and time stamp, Charles J. Stivale

English Translation Forthcoming

French Transcript

Edited

Gilles Deleuze

Sur Cinéma et Pensée, 1984-1985

14ème séance, 05 mars 1985 (cours 80)

Transcription : La voix de Deleuze, Mpoyo Ilunga Stephanie (1ère partie) et Nadia Ouis (2ème partie) ; révisions supplémentaires à la transcription et l’horodatage, Charles J. Stivale

Partie 1

Lucien Gouty : On commence la quatorzième [séance] … [Rires]

Deleuze : Tu as dit quatorze, mais c’est beaucoup trop, c’est beaucoup trop… Alors on a quatorze fois ça, quatorze fois ça…

Gouty : Quarante-deux…

Deleuze : quarante-deux… c’est quelque chose. Bon, vous me direz, c’est ordinaire… bon.

Alors la dernière fois et c’est fini. On a fait un plan, la dernière fois. Je redis vite : il s’agissait d’une confrontation directe et arbitraire entre image moderne et image classique, arbitraire puisque on extrayait deux exemples : [1 :00] exemple Eisenstein, exemple Godard. La confrontation nous a fait développer trois points : un cinéma tonal, dit classique. Comment se définit-il ? Enchaînement d’images par coupures rationnelles. [Pause] Un cinéma sériel dit moderne, comment se définit-il ? Ré-enchaînement d’images sur coupures irrationnelles.

Deuxième point : un cinéma classique dit structural ou cinéma de vérité, la vérité, j’insiste beaucoup, [2 :00] étant un modèle indépendant de la dualité possible réel-fictif, car c’est le même modèle de vérité qui sert au réel et à la fiction. Quel est le modèle de vérité ? En effet, c’est qu’en même temps que les images s’enchaînent par coupures rationnelles, les images enchaînées s’intériorisent dans un Tout, et le Tout s’extériorise dans les images. Un tel mouvement par lequel elle s’intériorise dans les images et le Tout s’extériorise dans les images, est le mouvement dit vrai, hein, par opposition à un cinéma moderne qui — voir une année précédente, je crois l’année dernière, pour ceux qui étaient là [3 :00] — récuse tout modèle de la vérité pour se réclamer des puissances du faux en tant que les puissances du faux forment une série. Tout s’enchaîne parfaitement. Ce n’est plus un cinéma de la vérité, c’est la vérité du cinéma. Et on a vu l’importance de ce retournement et en quel sens un cinéma, qu’on pourrait dire direct, n’a rien à voir avec un cinéma direct mais, en revanche, a à voir avec ce retournement, où le cinéma ne se réclame plus d’un modèle de vérité, n’est plus un cinéma de la vérité, mais prétend à atteindre une vérité du cinéma.

Troisième aspect : l’image classique [4 :00] en tant que tonale et structurale est une représentation indirecte du temps. L’image moderne en tant que sérielle [Pause] et vérité du cinéma est une présentation directe du temps. Qu’est-ce que veut dire présentation directe du temps ? Nous l’avons vu les autres années et revu la dernière fois. Cela veut dire que le temps est arraché à sa forme empirique de la succession [Pause] [5 :00] et qu’il l’est de deux manières. Il y a deux grandes images-temps directes. [Pause] Il l’est sous la forme, appelons-la « succession empirique du temps », appelons-la « le cours du temps ». La présentation directe du temps ou l’image-temps directe se présente sous deux formes : la série du temps qui conserve l’avant et l’après mais pour en faire des qualités intrinsèques du temps. Ces qualités intrinsèques présentent dès lors la série du temps comme un passage. Passage de quoi à quoi ? Pas passage du présent ? Non. [Pause] [6 :00] Mais le passage, on l’a vu, d’une attitude à une autre, passage suivant un gestus, [Pause] le gestus se faisant suivant un acte de fabulation. Le flagrant délit de fabuler, voilà ce qui distribue l’avant et l’après dans la série du temps.

Deuxième aspect de l’image-temps directe, non plus la série du temps, mais l’ensemble du temps… non, l’ordre du temps, c’est-à-dire la coexistence des rapports de temps, la coexistence de tous les rapports de temps, et cette fois-ci, ce n’est plus comme tout à l’heure comme [7 :00] pour la série, la série horizontale du temps, c’est-à-dire l’enchaînement des attitudes suivant un gestus qui met en jeu l’acte de fabulation, mais c’est la construction verticale des séries [Pause] sous la forme que nous avons vue : la coexistence des séries. Voilà, ça, ça forme un ensemble.

Mon invocation la dernière fois, quand on terminait, c’était : est-ce que certains d’entre vous ont à signaler que, dans ce cadre relativement étroit, d’autres choses pourraient s’insérer, ou bien est-ce que certains d’entre vous pensent qu’il y a lieu de revenir sur certaines de ces autres choses avant que nous passions à… ? [8 :00] Voilà, à cette question, il n’y a que vous qui puissiez répondre. D’ailleurs la question, elle est double. Ou bien il y a des choses qu’il faut revoir parce qu’elles ne vous paraissent pas au point, ou bien, ou bien je ne sais plus, ou bien il y a des choses à ajouter. [Pause] Non ? Non ? Non ? Bien, très bien. [Pause]

Alors nous passons, nous sommes forcés parce que, encore une fois, on n’a pas cessé de buter dans notre analyse de l’image moderne — mais à chaque fois, il fallait faire un tour de passe-passe — sur quelle image moderne, nous ne pouvions pas la définir sans nous référer à certains [9 :00] actes de paroles. [Pause] Il va de soi que si l’acte de fabulation a tellement d’importance dans le cinéma moderne, il met en jeu un acte de parole. C’était une manière de dire le cinéma moderne est inséparable du « parlant ». Ça ne voulait pas dire le cinéma moderne coïncide avec le parlant. Ça voulait dire, sans doute, le cinéma moderne a besoin d’un certain usage du parlant. Peut-être que cet usage du parlant est tout à fait révolutionnaire par rapport à l’apparition du parlant dans le cinéma. Mais enfin, on sentait bien que venait encombrer nos pieds, dès que nous essayions d’avancer, venait nous encombrer cette question du parlant dont [10 :00] on ne pouvait rien dire, nous, puisque on n’avait pas posé le problème.

Et puis inversement, au niveau de l’image classique, on traînait depuis longtemps un problème, dont on n’a jamais parlé les autres années et puis l’heure est venue. J’ai tardé le plus possible à en parler parce que, bon, qui était : mais même muet, l’image cinématographique n’a-t-elle pas quelque chose de fondamental qui la met en rapport avec soit la langue, soit quelque chose de voisin, même muet. Si bien que maintenant nous nous trouvons donc devant comme [11 :00] un nouveau chapitre ; ce nouveau chapitre va tourner autour de trois problèmes très différents, mais il se trouve que ces trois problèmes très différents, ils ne vont pas cesser de se lier, de se nouer.

Chacun de nous a des impressions très différentes ; ce qui m’ennuie peut vous intéresser, ce qui m’intéresse peut vous paraître extrêmement ennuyeux. Alors une bonne année, c’est quand ça s’équilibre, c’est quand, si ça vous amuse, eh ben, ça m’amuse, et si ça m’amuse, ça vous amuse, eh ben c’est, c’est… Mais ce n’est jamais pour les mêmes raisons. Tout ceci, c’est une introduction pour dire que dans ce nouveau pan, il y a des choses qui m’amusent beaucoup, qui m’intéressent — et puis je crois que c’est cette année seulement que je vais, que je suis devenu capable d’en parler un peu — et qu’il y a des choses qui m’ennuient à périr. Et voilà comme toujours, [12 :00] ce n’est pas toujours la fête. Le devoir moral fait que il faut que je parle des choses qui m’ennuient à périr. Il le faut. Alors les choses sont assez perverses, la nature des choses est assez perverse pour que certains d’entre vous, en effet, trouvent très ennuyeux ce que je trouve amusant et inversement. Je compte là-dessus.

Je dis tout de suite, bon, il y a un premier problème qu’on va avoir à considérer et qui coïncide avec les débuts du cinéma, bon. S’il y a un enchaînement d’images et si le cinéma se présente comme un enchaînement d’images-mouvements, sous sa forme la plus classique — enchaînement d’images-mouvement par coupures rationnelles, image classique — il a quelque chose [13 :00] à faire avec la langue. Et après tout, c’était le début du cinéma, c’était ça la formule : le cinéma est la réalisation de ce que l’on cherchait de tout temps et en tous lieux, la langue universelle. Ce thème est tellement connu que je n’insiste pas.

Vous remarquez qu’il est tout à fait indépendant du parlant, [Pause] ou bien, toujours dans ce premier point de vue, si ce n’est pas avec la langue que l’enchaînement des images cinématographiques a à faire, peut-être est-ce avec quelque [14 :00] chose de voisin. Je garde à « voisin » son sens le plus vague. Qu’est-ce qui peut être voisin de la langue ? [Pause] Toute une école s’est constituée depuis peu, toute une école dite de sémiologie, pour nous dire : on a cru dans un premier temps que le cinéma avait affaire avec la langue. Il n’a pas affaire avec la langue ; le cinéma n’est pas une langue. En revanche, il a affaire avec quelque chose [15 :00] de voisin de la langue, qui est quoi ? Qui est le langage. D’où la formule de Christian Metz : le cinéma, langage sans langue. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? [Pause]

En France, cette école a donc été inaugurée par les recherches de Metz, développée par de nombreux disciples qui se réclament d’une sémiologie linguistique, ou comme ils disent, d’une sémio-critique, et met directement en cause [16 :00] un auteur de cinéma, [Alain] Robbe-Grillet, puisque Robbe-Grillet fut de loin le cinéaste, d’abord l’exemple privilégié sur lequel se sont penchés un grand nombre de partisans de la sémio-critique, et d’autre part, lui-même s’est mêlé, s’est mêlé très étroitement de leurs travaux, suggérant des interprétations dont il a le secret.

En Italie vers la même époque se développait une école sémio-critique, sous l’autorité de [Emilio] Garroni, Ga-rro-ni, c’est ça, Garroni, qui a pris également un très grand développement, à laquelle appartient — je ne dis pas qu’ils disent tous la même chose — et où vous trouverez aussi un auteur italien célèbre, Umberto Eco, [17 :00] et à laquelle est mêlé, d’une manière non moins complexe que Robbe-Grillet avec l’école française, à laquelle est mêlé un grand cinéaste : [Pier Paolo] Pasolini. [Pause] Voilà la situation.

Nous ne savons pas bien encore quelles différences il peut y avoir entre langage et langue. Nous savons en tous cas, et nous pouvons dire que, quant à la formule de Metz qui pourrait être signée par tous les sémio-criticiens critiques, c’est même à cela qu’on les reconnaît. Quelqu’un qui dit : le cinéma est un langage sans langue, celui-là est un sémio-critique ou un sémiologue d’inspiration linguistique. Nous ne savons pas encore ce que signifie cette distinction langage-langue. Nous savons au moins [18 :00] que surtout il ne faut pas la confondre avec une tout autre distinction : langue-parole. Le langage n’est pas identique à la parole. Si bien que linguistiquement, nous serons évidemment forcés de distinguer au moins trois niveaux : la langue, le langage et la parole. Autant la distinction langue-parole est devenue familière au moindre lecteur des linguistes, autant la distinction langue-langage est peut-être un tout petit peu plus difficile.

Dans cette perspective, j’annonce que je serai forcé de développer des points qui pour un certain nombre d’entre vous sont acquis et sont des évidences. Je devrai les développer comme si vous ne saviez rien parce que, d’une part, je suppose que certains d’entre vous ne savent rien dans ce domaine, c’est légitime — certains d’entre vous [19 :00] n’ont pas encore été touchés par le moindre élément de linguistique ; ça m’étonnerait, mais on ne sait jamais — et d’autre part, parce que j’ai besoin de le prendre pour mon compte et de voir ce que j’ai à en tirer. Donc je ne cache pas que, pour moi, c’est la partie la plus morne du monde, [Rires] mais qu’il faut y passer. Il faut y passer sinon je ne peux pas arriver à ce qui m’amuse. Car le travail n’est pas toujours drôle. Ce qui nous sauve, c’est qu’il est si souvent drôle, car le drôle, c’est pour moi, le second problème.

J’avais annoncé un premier problème. Pour moi, le drôle c’est le second problème qui, lui, m’amuse vraiment. C’est que le précédent problème ne tient aucun compte de l’existence, ou du moins, [20 :00] je me corrige, ne tient aucun compte direct, principal, de l’existence du parlant, de l’existence ou non du parlant. Je sens que ce que je dis n’est pas vrai pour certains sémio-physiciens. Mais en principe, c’est vrai. Et notamment chez Christian Metz, il est très évident, il le dit explicitement, que le code audiovisuel — on comprendra plus tard ce que ça veut dire, tout ça –, le code audiovisuel du cinéma doit être considéré comme absolument distinct du code langagier [21 :00] par lequel les images cinématographiques peuvent être considérées comme un langage. Donc les raisons pour lesquelles les images cinématographiques doivent être considérées comme un langage, sont tout à fait étrangères à l’existence ou non du parlant.

Si bien que le deuxième problème très distinct, mon deuxième problème étant non pas « qu’est-ce que le parlant ? », parce que je voudrais le poser d’une manière plus précise, mais : y a-t-il des actes de paroles que l’on pourrait appeler cinématographiques ? Est-ce que le cinéma nous présente des actes de paroles spécifiques ? [22 :00] Bon, alors du coup, à peine je pose le problème ainsi, je dis : ça vaut déjà pour le muet. Car je rappelle ce que la plupart d’entre vous savent, comme ça a été dit souvent, le muet est mal dit « muet ». [Pause] Jean Mitry nous dit : il n’y a jamais eu de cinéma muet ; il n’y a que du cinéma. Il y a eu du cinéma silencieux, ce n’est pas la même chose. Ça veut dire, les gens parlent et ne cessent pas de parler, simplement on ne les entend pas.

Donc ce n’est pas un cinéma muet ; c’est un cinéma profondément [23 :00] phonatoire : la phonation est un acte de parole. Que les sons ne soient pas entendus, c’est une autre affaire. Je ne tiens même pas compte du fait que le cinéma muet était, comme on le rappelle aussi très souvent, était déjà sonorisé soit sous la forme d’un commentateur, soit sous la forme d’une musique. Mais même indépendamment de cela, le cinéma dit muet nous présente des gens qui ne cessent pas de parler. Il est silencieux et non pas muet. Michel Chion dans son livre sur la voix, La voix au cinéma [Paris : Cahiers du cinéma, 1984], je crois, La voix au cinéma, dit encore mieux [24 :00] : le cinéma n’a jamais été muet, il a été sourd, ce qui revient à la même chose que la formule de Mitry, en plus brillant. Un cinéma sourd, ce n’est pas un cinéma muet.

Donc il y a eu de tout temps des actes de paroles au cinéma. Je demande si le cinéma nous présente des actes de paroles spécifiques, ou si ce sont des actes de paroles non spécifiques, c’est-à-dire, qui n’ont aucune différence assignable avec des actes de paroles qui seraient simplement des enregistrements d’actes de paroles ordinaires tels qu’ils sont dans la vie sociale, ou bien qui n’auraient pas de différences spécifiques avec les actes de paroles théâtraux. Vous voyez que la question a un sens : y a-t-il des actes [25 :00] de paroles formellement spécifiques, c’est-à-dire qui appartiennent au cinéma comme tel et qui n’existent que chez lui, ce qui nous permettrait au moins de régler toutes sortes de bêtises sur les rapports cinéma-théâtre ? Parce que c’est peut-être déjà, s’il y a déjà des actes de paroles spécifiques au cinéma, vous comprenez qu’il n’y a plus tellement besoin de réfléchir sur les différences cinéma-théâtre, à savoir que même au niveau des actes de paroles, ce ne sera pas les mêmes actes de paroles.

Bon, mais ça m’intéresse aussi et c’est pour ça que ça m’amuse, ça m’intéresse aussi à un autre égard. L’autre égard, c’est celui-ci, c’est qu’une discipline, que certains d’entre vous connaissent aussi, qu’on appelle la sociolinguistique, a toujours attaché beaucoup d’importance à la [26 :00] classification des types d’actes de paroles. [Pause] Comment classer ? Alors, dans le souci que nous avons depuis plusieurs années, de faire une classification, classification des images et des signes, ben là, ça me plaît beaucoup, si on arrive à tirer du cinéma non seulement une forme spécifique de l’acte de paroles. Ben, c’est un aspect de la question. Et deuxième aspect de la question : si on arrive à en tirer une classification des actes de paroles cinématographiques, ensuite on pourra se demander si le cinéma ne nous a pas révélé une manière de classer les actes de paroles en général qui peut enrichir la sociolinguistique. [Pause] [27 :00] C’est-à-dire, il y aurait une réaction du cinéma grâce à ses actes de paroles spécifiques sur une typologie générale… [Interruption de l’enregistrement] [27 :10]

… qu’en est-il du droit ? Je demande si déjà le fait supposé de la narration comme caractère, comme fait de l’image cinématographique, est analogue à la géométrie euclidienne, c’est-à-dire a pour caractère l’universel et le nécessaire. Vous me direz pour la géométrie euclidienne non plus, puisqu’il n’y a pas que des géométries euclidiennes, il y en a des non-euclidiennes. Pour une part, Kant ne les connaissait pas, elles sont après Kant. Et j’ai honte de cette réponse parce que ça consisterait à dire que la découverte de géométries non euclidiennes ou [28 :00] leur construction, suffit à rendre caduque le Kantisme, alors que ça n’en change pas un mot. Pour une raison simple, c’est que les géométries non euclidiennes, de manières très complexes, sont susceptibles et même impliquent des connections dites euclidiennes. Est-ce que le fait de la narration hollywoodienne est du même type ?

Je reprends les trois étapes de Metz. Il y a un fait, c’est que le cinéma s’est constitué comme cinéma de narration à Hollywood, voilà. [Pause] Deuxième point… [Pause] Là, j’ai déjà une question, qu’on laisse de côté pour le moment. [29 :00] Est-ce un fait ? Et encore en quel sens, est-ce un fait ? Est-ce un fait empirique, ou est-ce un fait universel et nécessaire ? Deuxième point : si le cinéma s’est constitué en fait comme cinéma de narration, l’image cinématographique est assimilable à un énoncé. Elle est assimilable à un énoncé. C’est ce que j’appelle une approximation. [Pause] Ce point est aussi important que le précédent, et là aussi, tellement important que Metz est extrêmement prudent. Je lis aussi, dans mon souci [30 :00] que vous ne pensiez pas que je durcis les textes. Il est très, très prudent ; il dit : quel est l’équivalent de l’image cinématographique ? Il dit l’équivalent, il s’agit bien d’une approximation. Il dit, est-ce que l’on peut comparer un plan, si on prend le plan comme, en un sens très sommaire, comme minimum d’images, l’image minima, eh bien, est-ce que l’on peut considérer, est-ce qu’on peut assimiler le plan à un mot ? Mais c’est une drôle d’idée, déjà. Pourquoi vouloir assimiler le plan à un mot ? Uniquement en vertu du fait, à savoir le fait du cinéma, c’est le cinéma de narration.

Voilà, il nous dit, est-ce que ça ressemble à un mot, un plan ? [31 :00] Il nous dit non, non, et dans un texte célèbre, toujours cité, il dit : « Un plan qui me montre un gros plan de revolver n’est pas assimilable au mot ‘revolver’ mais à l’énoncé : voici un revolver. Même les images assez rares d’ailleurs, qui correspondraient par le contenu à un mot, sont encore des phrases. C’est un cas particulier, particulièrement éclairant. Un gros plan de revolver ne signifie pas revolver … — mais signifie au moins, et sans parler des connotations : ‘voici un revolver’ ». En d’autres termes, ce n’est pas un mot, c’est un énoncé. [32 :00]

Autre citation — mais il est toujours très, très prudent à cet égard — il dit, ben c’est l’équivalence la moins mauvaise. « Le plan filmique ressemble à un énoncé » — ça, c’est page 118 — « il ressemble » — et on verra pourquoi il est forcé de dire ça, c’est bien ça, il ressemble – « le plan filmique ressemble à un énoncé plutôt qu’à un mot. Cependant il serait faux de dire que le plan équivaut à un énoncé car entre le plan et l’énoncé linguistique, de grandes différences subsistent ». Je suis donc fondé de parler d’approximation. [33 :00] Approximativement, l’image cinématographique peut être considérée comme un énoncé. Voilà, c’est le deuxième point. [La citation est sans doute du livre de Metz, Essais sur la signification du cinéma (Paris : Klincksieck, 1968), que Deleuze cite dans la séance précédente]

Troisième point : si l’image cinématographique peut être considérée comme un énoncé, à quelles conditions, [Pause] à quelles conditions qui définiront en même temps les règles d’usage [Pause] [34 :00] relatives à cette image ? La réponse de Metz, que comprendront tous ceux qui ont fait un peu de linguistique et que j’expliquerai pour les autres, je la donne déjà cette réponse, c’est, les conditions sont les suivantes : que l’image cinématographique [Pause] soit soumise [Pause] à des « opérations », donc à des actes subjectifs, à des « opérations » qu’on appellera, conformément à la linguistique, paradigmatiques et syntagmatiques, [35 :00] syntagme et paradigme, ou mieux, on verra, syntagmatiques et paradigmatiques. [Pause] Et la syntagmatique et la paradigmatique sont les conditions qui rendent possible l’assimilation de l’image cinématographique à l’énoncé. [Pause]

Pourquoi il lui faut trois stades ? Vous le comprenez, c’est qu’il partait d’un fait, le fait du cinéma narratif. Deuxièmement, une approximation : l’image cinématographique, dès lors, [36 :00] peut être assimilée approximativement à un énoncé. Pourquoi encore une fois approximativement ? Et il y a là aussi, à chaque chose, il y a des choses effarantes. Je ne dis pas du tout que ce soit mal, mais il y a des choses stupéfiantes ; ça a l’air d’aller tout seul. C’est que si c’est assimilable à un énoncé, c’est un drôle d’énoncé. Il le dira lui-même : ce n’est pas un énoncé non pas verbal, c’est des images. [Pause] Ce n’est pas des mots. Donc il faut qu’il forge la catégorie ; je ne dis pas qu’elle soit fondée ou mal fondée. Je constate. Il faut qu’il forge la catégorie de : énoncés analogiques ou d’énoncés iconiques, énonces analogiques, énoncés iconiques, [37 :00] en gros : énoncés qui opèrent par ressemblance, et non pas par combinaison d’unités conventionnelles. L’image de revolver est supposée ressembler à un revolver, c’est une image analogique, une image iconique, on dira. Là aussi on a des problèmes, puisque la notion même d’énoncé analogique ou d’énoncé iconique, est-ce que ce n’est pas un monstre ? Est-ce que ce n’est pas vraiment un monstre, cette notion-là ? Comme l’image est analogique ou iconique, selon lui, elle ne peut être assimilée à l’énoncé sous la forme d’un énoncé iconique analogique, [Pause] mais est-ce que c’est un énoncé ? Réponse, d’où le troisième moment, d’où sa démarche en trois moments : oui, ce sera un énoncé, si j’arrive à prouver [38 :00] que l’image iconique ou analogique est soumise aux opérations langagières du syntagme et du paradigme, de la syntagmatique et de la paradigmatique.

Ça va être un nœud, mais ça va être un nœud de problèmes. Je veux dire, au niveau et là, j’extrais la base la plus simple, ça va être un de ces nœuds de problèmes ! J’en cite un : comment éviter un cercle vicieux, dont je ne suis pas sûr après tout qu’il n’existe pas déjà chez Kant, ce qui serait redoubler de kantisme alors, si c’est même en prendre les cercles vicieux. Car je dirais [39 :00] : l’image est soumise au paradigme et au syntagme parce qu’elle est assimilable à un énoncé, mais elle est assimilable à un énoncé parce qu’elle est soumise au paradigme et à la syntagme, et au syntagme. C’est embêtant ! Vous comprenez à quel point c’est embêtant ! Ce n’est pas possible ! C’est là-dessus que les post-Kantiens — d’ailleurs que je retrouve, j’aime bien parce que c’est là qu’on peut re-mélanger le tout — c’est là-dessus que les post-Kantiens protesteront contre Kant. Ils lui diront, avec la méthode fait-conditions de possibilité, vous ne pouvez pas échapper à un cercle vicieux, à savoir, l’expérience est un fait. Ils diront : oui, l’expérience est un fait parce qu’elle est soumise aux conditions de possibilité, mais elle est soumise aux conditions de possibilité [40 :00] parce qu’elle est un fait. Et ils diront, le tort de Kant, les post-Kantiens, comme [Johann] Fichte, diront : le tort de Kant, c’est de s’en être tenu à une méthode du conditionnement sans arriver à une véritable méthode génétique. [Pause] Il fallait engendrer et pas conditionner ; il fallait faire la genèse, et pas le simple conditionnement. Alors je dis, à chaque niveau, j’ai une difficulté. J’ai mes trois niveaux de base. [Pause]

Je récapitule : le fait, c’est le cinéma de narration. [Pause] Premier trouble : il n’est plus question, il ne sera plus question du mouvement, ça aura disparu. [41 :00] Le mouvement ne sera pas un caractère pertinent de l’image cinématographique. Ce qui sera le caractère pertinent de l’image cinématographique, c’est la narration. Alors, s’il y trouve du langage, après ce n’est pas tellement étonnant, forcément, il se l’est déjà donné dès le début, enfin, il semble, enfin.

Deuxième point : s’il est vrai que le fait, c’est le cinéma de narration, alors l’image cinématographique est approximativement — je ne trouve pas mon adjectif, trois petits points, j’ai perdu un mot… — approximativement… [Quelqu’un lui suggère le mot] assimilable, voilà, je vous remercie, approximativement [42 :00] assimilable à un énoncé. [Pause] Deuxième trouble, alors là d’accord, à ce moment-là, il faut fonder la notion d’énoncé logique ou iconique. [Pause]

Troisième niveau : si l’image cinématographique est assimilable à un énoncé, alors elle est nécessairement soumise aux opérations du paradigme et de la synthèse [Deleuze veut dire : du syntagme] qui en définissent les conditions de possibilité, c’est-à-dire les règles d’usage. Troisième trouble, le plus profond de tous : comment échapperons-nous au cercle vicieux ? Comment échapperons-nous au [43 :00] cercle vicieux d’après lequel l’image est assimilée à l’énoncé parce que soumise au paradigme et au syntagme, mais inversement, elle est soumise au paradigme et au syntagme parce que assimilée à l’énoncé ? [Pause] Bon, si bien que on ne peut avancer que si on comprend déjà ces deux formules mystérieuses : paradigme et syntagme.

Ça n’empêche… je suis beaucoup plus lent que… Quelle heure il est ? C’est marrant, hein, les évaluations, moi je me disais, j’en ai pour un quart d’heure, et vous voyez pourquoi c’est redoutable, hein ? J’en avais pour un quart d’heure en disant : ça m’embête tellement que… et puis tout d’un coup, on ne peut rien prévoir. Quelque chose, mais je me demande quoi alors, m’a fait rigoler, quelque chose m’a plu, m’a amusé. Ça doit être Kant, [44 :00] c’est un coup de Kant, ça. Du coup j’y ai mis… c’est curieux, on ne peut pas prévoir. Bon, vous vous reposez un peu, hein ? Réfléchissez à ces trois mystères, parce que je veux dire à la fois, ça va de soi, ces histoires, ça va complètement de soi, et puis c’est mystérieux, c’est mystérieux comment il peut dire ça… [Interruption de l’enregistrement] [44 :25]

… [il] faut que vous le pressentiez déjà — vous ne faites pas un peu de lumière ?

Un étudiant : [Réponse que ça ne marche pas]

Deleuze : Il n’y a plus de lumière ? [Pause] Ça ne va pas ça. [Pause] À la porte elle ne marche pas, mais il n’y a pas d’autre bouton ? Ils doivent la couper à partir d’une certaine he. [Rires ; pause] [45 :00]

Bon, je voudrais que vous sentiez déjà à partir de ce premier point, comment les notions d’image et de signe sont en voie — je ne prétends pas le montrer déjà, mais juste que vous le sentiez — sont en voie d’évacuation [Pause] puisqu’en effet, on nous parlera non pas d’image mais d’énoncé, en court-circuitant le mouvement comme caractère distinctif. Et on nous parlera, non pas de signes mais de « chaîne signifiante » au sens du syntagme et du paradigme, mais ça, ça se [46 :00] dessine seulement. Si le premier point donc concernait la position, la position de base de la sémiologie d’inspiration linguistique, notre second point va concerner le problème de la distinction essence-usage ou, d’une autre manière, langue-langage. [Pause]

D’où première question, et c’est là que je dis des choses — ceux qui connaissent tout ça me pardonnent d’avance, et puis je vous renvoie aux textes, les textes, c’est n’importe quel dictionnaire de linguistique — qu’est-ce c’est qu’une langue ? Comment ça se définit ? [Pause] [47 :00] Sans doute de beaucoup de façons, mais un des sens les plus stricts par lesquels on ait défini la langue, m’apparaît être celle sur lequel [André] Martinet, le linguiste Martinet, Martinet le linguiste, [Rires] a insisté, et qu’il a développé, et qui consiste à dire : la langue, une langue, c’est un système à double articulation. Il ne s’agit évidemment pas de l’articulation phonatoire, puisqu’il ne s’agit pas de la parole. C’est un système de double articulation, et il dit : seule la langue est un tel système. Plus, un cas compliqué qui est [48 :00] la numérotation téléphonique, mais enfin, on peut supposer qu’elle n’existerait pas s’il n’y avait pas la langue.

Qu’est-ce que ça veut dire un système à double articulation ? Vous le savez, il y a une première articulation définie par des unités discrètes, discontinues, significatives. Ces unités discrètes, discontinues, significatives, sont appelées, du moins dans la terminologie de Martinet, sont appelées des « monèmes ». [Pause] Mettons que, très grossièrement, un monème, pour continuer à parler approximativement, c’est un mot. En fait, ce n’est pas un mot. [49 :00] Prenons un exemple, donné par Martinet lui-même : la soupe est bonne. [Pause] Il y a quatre mots, il y a au moins cinq monèmes. Premier monème : « la », deuxième monème : « soupe », troisième monème : verbe « être », quatrième monème : index de l’indicatif, cinquième monème : « bonne ». Cela n’empêche pas que pour plus de commodité, nous pouvons poser une équivalence inexacte ; on est dans les approximations, mot-monème. Le monème est une unité significative. [50 :00] Vous voyez que les monèmes s’articulent entre eux, et on parlera de la première articulation.

Cette première articulation renvoie à une seconde articulation, cette fois-ci, celle des « phonèmes ». Dans le même état rudimentaire qui m’est indispensable, nous assimilons les phonèmes à des lettres. Chacun sait qu’il n’en est pas ainsi. Le phonème est autre chose qu’une lettre ; pourquoi ? C’est que le phonème est par différence avec le monème, unité significative, est une unité [51 :00] « distinctive », non significative. C’est une unité distinctive. Par exemple la lettre b, la lettre b est un phonème. Vous me direz, c’est une lettre, alors ? Non, parce qu’elle n’est un phonème que en tant qu’elle est prise dans des rapports réglés avec d’autres phonèmes. Si vous dîtes « billard », [Pause] le phonème /b/ comme dans « billard » est entre autres en rapport immédiat avec le phonème [52 :00] /p/ qui donnerait « pillard ». Vous avez ce qu’on appelle un rapport différentiel ou distinctif /b/ sur /p/, [Pause] au point que je dis — exemple pour toucher vos souvenirs littéraires — au point que je dis : « les bandes du vieux billard ». Et quelqu’un me répond : « qu’est-ce que tu as dit ? Tu as dit pillard, les bandes du vieux pillard ? » Je dis : « non j’ai dit les bandes du vieux billard ».

Alors autre exemple littéraire — je pourrais vous faire une interrogation écrite sur de qui sont ces exemples [Rires] — autre exemple : « as-tu dit cochon ou cossons ? » [53 :00] Le phonème, vous voyez, /ch/, c’est bien une lettre mais prise dans son rapport distinctif avec une autre. À ce niveau, vous avez des unités distinctives, non significatives, et vous voyez que c’est par l’articulation des phonèmes, c’est-à-dire des éléments de la seconde articulation, des éléments non significatifs, des éléments distinctifs non significatifs, que se fait les éléments, que se font les éléments de la première articulation, c’est-à-dire les unités significatives. Les unités significatives se construisent sur [54 :00] les unités distinctives non significatives. D’accord ? . [Pour la première citation, il s’agit de Raymond Roussel ; voir Logique du sens (Paris : Minuit, 1969), p. 53]

Vous avez donc une articulation définie par les monèmes, et une articulation définie par les phonèmes. Il n’y a pas de langue à strictement parler qui ne présente le phénomène de double articulation. Ce qui présente le phénomène de double articulation, inversement, est une langue. Quelle est la condition ? Il faut en plus que la double articulation soit fixe, c’est-à-dire que, d’une part, elle ne soit pas mobile, [Pause] [55 :00] et que les deux niveaux ne soient ni remplaçables ni interchangeables, les deux niveaux ne soient ni remplaçables ni interchangeables. [Pause]

Question accessoire pour des travaux pratiques : la musique est-elle une langue ? La peinture est-elle une langue ? Pour ceux que cette question intéresse, voir [Claude] Lévi-Strauss, Le cru et le cuit [Paris : Plon, 1964] et la partie du début nommée « Ouverture » où la réponse, très étrange, très intéressante de Lévi-Strauss est que la musique tonale présente bien une double articulation [56 :00] et, en ce sens, est une langue, mais n’en est pas une tout à fait. Car les deux niveaux sont, à certains égards, remplaçables et même, à certains égards, interchangeables. Ça, ça nous prendrait très longtemps, c’est pour ceux que ça intéresse que je vous renvoie à ce texte. Que la peinture classique est, elle aussi, une quasi langue, mais ne répond pas aux dernières exigences de non mobilité, non remplaçabilité, ni interchangeabilité, bien, tandis que la peinture abstraite n’est pas une langue — c’est très curieux comme idée — que la peinture abstraite, elle, n’est pas du tout [57 :00] une langue, la musique atonale n’est pas une langue, que la musique concrète n’est pas une langue. Bon, tout le texte de Lévi-Strauss est très intéressant, pour ceux que ça intéresse.

Voilà, donc, ajoutons — enfin toujours pour ceux que ça intéresse et qui ne savent pas déjà tout ça — que dès lors, on peut classer toutes sortes de systèmes dits d’information ou de communication d’après le critère de la double articulation. Un linguiste qui a beaucoup inspiré l’école italienne de sémiologie et qui s’appelle [Luis J.] Prieto, p-r-i-e-t-o, mais je ne sais pas de quel pays, il est. [Pause]

Une étudiant : Argentin.

Deleuze : Il est Argentin ? [58 :00] Prieto a fait une très grande classification, là, des systèmes à double articulation, ou du point de vue de l’articulation que vous trouverez notamment dans un livre de lui, traduit en français : Messages et signaux [Paris : PUF, 1966]. Cette classification, cette grande classification de Prieto du point de vue des articulations, est reprise dans un article de Umberto Eco, revue Communications, numéro 15, 1970, où il reprend, où il reprend — en amenant des petits changements, mais enfin — et cela donne toute une classification, donc, des systèmes, [59 :00] des systèmes de communication ou d’information. Je vous lis très rapidement, tout ça pour ou bien pour vous ôter l’idée d’aller voir ou pour vous donner l’envie d’aller voir.

Premièrement, codes sans articulation, il y aurait des codes sans articulation. La notion de code qu’on introduit, voyez, puisqu’en effet, ça je le dirai plus, plus tard. Un exemple : la canne blanche de l’aveugle, ou bien les lignes d’autobus désignées par des numéros à un chiffre. Ouais, c’est évident, une ligne d’autobus désignée par des numéros à un chiffre, c’est un code sans articulation. Bon, d’accord, c’est une classification, c’est … [Pause]

Deuxièmement : [60 :00] codes ne comportant que la deuxième articulation, c’est-à-dire l’articulation du type qui correspondrait dans la langue au type phonème, exemple : ligne d’autobus à deux chiffres. [Pause]

Troisième cas : codes ne comportant que la première articulation, c’est-à-dire celle qui correspond au monème, les éléments significatifs. Exemple : la numération des chambres d’hôtel. C’est malin ça, car toujours dans [61 :00] l’interrogation écrite : que signifie la chambre 20 ? Vous le savez ? La première chambre du deuxième étage. Réfléchissez là-dessus, vous verrez que c’est typiquement un code qui ne comporte que la première articulation. Signaux routiers, numération décimale, bon.

Quatrième cas : code à double articulation, [Pause] sous-entendu non mobile, non interchangeable et non permutable : [Pause] les langues [62 :00] et les numéros de téléphone à six chiffres. [Pause] Vous chercherez pourquoi, c’est bien. Le mieux serait que vous trouviez pourquoi sans vous reporter à l’article.

Dernier point, je ne sais plus, cinquième, code à articulation mobile : la musique tonale, car vous pouvez assigner les conditions, par exemple, les hauteurs, comme seconde articulation, sont remplacées par les timbres. Vous avez un cas, là, de transformation qui strictement est absolument interdite dans le langage où votre seconde articulation ne pourra jamais consister qu’en phonèmes, les cartes à jouer, les grades militaires, voilà, et j’en passe. [63 :00] Je retiens de ça uniquement : la langue est définie par un système de double d’articulations dans des conditions de non-mobilité, non interchangeabilité et non remplaçabilité. La question devient trop compliquée là : est-ce que le cinéma est une langue ? Réponse immédiate : non. Non. Le cinéma n’est pas une langue. [Interruption de l’enregistrement] [1 :03 :36]

Partie 2

Vous chercherez en vain, en apparence, vous chercherez en vain une deuxième articulation. Vous pouvez traiter les plans comme éléments d’une première articulation ; [64 :00] qu’est-ce qui peut faire fonction de deuxième articulation ? Les plans sont des unités significatives.

Bon, d’accord, supposons que les plans soient équivalents de monèmes, et encore, ça ferait difficulté, mais supposons. Qu’est-ce-que ce serait les phonèmes ? Évidemment il y a une réponse sur laquelle on risque de se précipiter : les photogrammes. Les photogrammes seraient des phonèmes. Ça ne tient pas debout une seconde puisque [Pause] les photogrammes sont les éléments constituants, les éléments matériels constituants sous la forme de temps par seconde et ne peuvent pas être saisis pour eux-mêmes. Sauf dans la condition d’un photogramme-plan, ou alors [65 :00] vous démentez à nouveau une des conditions du langage, puisque vous avez fait passer de la seconde à la première articulation. Ainsi donc, dans l’unité, dans le monème, vous distinguez les phonèmes ; dans l’image-plan, vous ne distinguez pas les photogrammes, à moins encore une fois de les faire passer. De toute manière, ça ne répond absolument pas aux conditions d’une langue, des deux articulations telles qu’elles sont dans la langue.

Vous comprenez ? Aussi personne n’a eu l’idée baroque de traiter le photogramme comme l’équivalent d’un phonème. Ce serait comme une espèce de vague métaphore. Quelqu’un pourtant, quelqu’un de très grand, a dit, il y a bien deux articulations, ou a fait semblant de le dire, et ça, nous aurons à revenir tout à fait aux textes, [66 :00] qui sont vraiment difficiles mais rudement beaux, c’est Pasolini, rien que pour embêter les sémioticiens. Il a dit, les signes, il y a deux articulations, mais il est trop malin évidemment pour invoquer le photogramme. Il dit : l’équivalent du phonème, c’est les objets présents dans le plan, les objets cadrés dans l’image. [Pause] Umberto Eco s’esclaffe, et dit : pauvre Pasolini ! Pourquoi ? Parce que Umberto Eco dit : les phonèmes, c’est-à-dire les éléments de la seconde articulation, [67 :00] ne sont pas significatifs et ne peuvent en aucun cas faire partie du signifié. Les objets compris dans le plan font parfaitement partie du signifié de l’image. [Pause] À première vue, Eco a raison. Pourquoi et comment et de quel droit Pasolini peut-il répondre à Eco : pauvre Umberto Eco ! [Rires] Ce problème nous passionnera la séance prochaine. Mais, pour le moment, on arrête là, on arrête là en disant à première vue — et vu le mystère du texte de Pasolini, que nous laissons de côté pour le moment — à première vue, il semble évident [68 :00] que le cinéma n’est pas une langue. Bien.

Quand nous demandions, « qu’est-ce qu’une langue ? » en un sens, si modernes que soient les réponses, par exemple la réponse de Martinet, c’était une question précritique, c’était une question platonicienne. À savoir : parmi tous les caractères apparents d’une langue, quel est caractère essentiel ? En acceptant cette question précritique « qu’est-ce qu’une langue ? », nous avons répondu : le cinéma n’est pas une langue.

Et Metz enchaîne là-dessus pour dire : le [69 :00] tort des premiers qui aient réfléchi sur les rapports cinéma-langue, c’est d’avoir posé le problème au niveau de la langue. [Pause] Eisenstein ne fait qu’une métaphore lorsqu’il dit : le cinéma en tant que constitué par le montage est une langue. C’est une simple métaphore parce que ça ne considère pas le caractère spécifique d’une langue, le caractère spécifique d’une langue étant la double articulation. Vous suivez ? Je suppose pour les… — encore une fois je ne peux pas faire autrement, tout ceux qui savent ça, ben… —

Bien. Je passe à une tout autre question. Je ne m’interroge plus sur ce qui fait l’essence d’une langue, je m’interroge sur les règles d’usage d’une langue, [70 :00] à savoir : à quelles règles d’usage sont soumises les unités de la langue ? Voyez, je retrouve ma notion de règles d’usage, et c’est un autre ordre de question. Que ce soit des phonèmes ou des morphèmes, non pardon, que ce soit des phonèmes ou des monèmes, ils sont soumis à certaines règles d’usage. Je ne cherche plus l’essence ; je cherche les règles subjectives. [Pause] Pas du tout de la subjectivité de quelqu’un qui parle, il ne s’agit pas de la parole, mais d’une subjectivité langagière. [Pause] [71 :00] Donc quelles sont les règles d’usage des phonèmes et des monèmes ? La réponse est qu’il y a deux sortes de règles d’usage : les unes seront dites syntagmatiques, les autres seront dites paradigmatiques. [Pause]

À quels actes correspondent-elles ? On appellera « syntagme », on appellera « syntagme » toute conjonction d’unités relatives — je veux dire : [72 :00] phonème, monème ou autre chose, ce n’est pas forcément des unités absolues — on appellera « syntagme » toute conjonction d’unités relatives présentes, présentes dans un énoncé. [Pause] Et à ce moment-là, on parlera du syntagme correspondant à l’énoncé. [Pause] On dira qu’il y a un syntagme UV si U et V sont présents dans grand E, grand E désignant un énoncé. [Pause] [73 :00] Une telle activité est une combinaison, c’est un acte de combinaison… [Interruption de l’enregistrement] [1 :13 :18]

… dé-faire, défaire ne formerait jamais un syntagme u et v minuscules, défaire, ne formerait jamais un syntagme si l’on ne pouvait pas constituer une classe grand U et une classe grand V, constitutives d’une règle syntagmatique. À savoir décoller, dévoiler, qui sont du même type que défaire. [Pause] D’accord ? [74 :00] J’essaye vraiment le plus bas, c’est le plus bas. Très bien bon, bon, bon.

Remarquez que, problème immédiat si vous m’avez suivi : je dis le mot « déterminer », est-ce que c’est un syntagme du type UV ? [Pause] Est-ce qu’il y a deux monèmes ? Pas sûr. Je ne pourrais montrer qu’il y a deux monèmes pour « déterminer » que si je découvre une règle qui engage et qui forme une place grand U et une place grand V tel que [75 :00] dé- soit à X comme dé- est à terminer, hein, une fois dit que dans « déterminer », le rapport syntagmatique entre U et V, c’est-à-dire entre… dans défaire, pardon, le rapport syntagmatique oui, non dans « déterminer », le rapport dé et terminer n’est pas du même type que le rapport dé-faire. D’accord ? D’accord, d’accord tout ça, voilà.

Ce qui m’importe c’est que le syntagme renvoie à une règle syntagmatique. C’est pour ça que les linguistes parlent généralement, non pas du syntagme, mais plus profondément ils disent : [76 :00] la « syntagmatique ». Metz ira plus loin encore : il parlera — pour des raisons que j’expliquerai — de la grande syntagmatique, la grande syntagmatique, qui n’éveille en moi pas du tout une objection, mais une hilarité très grande, parce que j’entends, quand on me dit la grande syntagmatique, j’entends « la grande demoiselle »,  « la grande demoiselle est morte », bref, c’est du Bossuet. La grande syntagmatique, ça me fait rêver, quoi. La grande syntagmatique… Est-ce qu’elle est morte, la grande syntagmatique ? [Rires] Oui, on ne sait pas. Enfin, c’est la syntagmatique ! Vous voyez ? Bon, compris ça ? Et chaque fois que vous faites une phrase, les règles d’usage sont [77 :00] des règles syntagmatiques. Vous ne le saviez pas, hein ? [Rires]

Et si avec ça, vous faites aussi du paradigme ? C’est que, le paradigme… Vous vous rappelez, le syntagme, c’est la conjonction d’unités relatives présentes. Le paradigme, c’est la disjonction d’unités présentes avec des unités absentes comparables à tel ou tel égard, comparables sous un égard quelconque, [Pause] [78 :00] par exemple, comparables du point de vue du sens, [Pause] ou comparables du point de vue du son. Exemple : enseigner-instruire, exemple donné par [Ferdinand de] Saussure, enseigner-instruire. Je vous dis une phrase, « il m’a enseigné », vous auriez pu dire « il m’a instruit », qu’est-ce que ça changeait ? Vous avez fait un choix. Toute unité présente, c’est-à-dire que vous avez choisie, implique [79 :00] son rapport disjonctif avec d’autres unités possibles que vous n’avez pas choisies, que vous avez éliminées. À chaque fois que vous parlez, c’est comme ça, à plus forte raison quand vous cherchez un mot. [Pause]

Ou bien le paradigme va concerner des unités dont le son se ressemble, et pas du tout le sens, ou bien dont les sens se ressemblent, et pas du tout le son. Je reprends mon exemple, mes deux exemples : « tu as dit cochon ou cosson ? » [Pause] [80 :00] « Qu’est-ce que tu racontes, c’est les bandes du pillard ou les bandes du billard ? » Bien. [Pause] Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’un acte de combinaison, il s’agit d’une acte de sélection. [Pause] Il n’est plus fondé sur la continuité, il est fondé sur la ressemblance. [Pause] Le critère est ce que les linguistes appellent la commutation. Il y a commutation si la substitution [81 :00] de deux unités U et U’ produit une différence assignable. Quand je dis assignable, ça veut dire, par exemple, qu’il y a des différences des types d’intonation qui ne produisent pas de différences assignables. Les différences d’intonation ne font pas partie de ce jeu-là. Voyez ? Martinet analyse longuement un exemple paradigmatique entre les deux énoncés suivants qui sont commutables : il dessine une carte / il dessine une carpe, fondé cette fois-ci sur le très différentiel phonématique /t/ sur /p/. « Les bandes du vieux pillard », « les bandes de vieux billard » sont fondés sur la différence phonématique [82 :00] /b/ sur /p/. Tout va bien ? C’est très clair, bon.

On dira que les règles d’usage des phonèmes et des monèmes sont des règles syntagmatiques et des règles paradigmatiques, les unes déterminant les concaténations ou les consécutions légitimes des unités présentes, les autres déterminant les choix légitimes entre une unité présente et une unité absente. Je vous rappelle que dans le courant du premier trimestre, on a vu [83 :00] notamment comment [Roman] Jakobson s’appuyait sur ces deux aspects, pour dégager deux pôles de l’aphasie comme maladie du langage, maladie du langage à prédominance trouble de combinaison, c’est-à-dire trouble syntagmatique, maladie du langage fondée sur trouble de sélection, c’est-à-dire trouble paradigmatique. [Voir la séance 6, le 11 décembre 1984] Et selon Jakobson, il y aurait deux pôles de l’aphasie qu’on pourrait appeler — je crois qu’il ne le fait pas, mais enfin ça n’importe en rien — qu’on pourrait appeler aphasie syntagmatique et aphasie paradigmatique. Je ne reviens pas sur ce point. 

Problème très délicat, et puis je vous laisse tranquilles après tout ça : quel rapport y-a-t-il entre la syntagmatique et la paradigmatique ? Deux thèses [84 :00] s’affrontent [Pause] : la thèse la plus fréquente, je ne dis pas la plus… la thèse la plus fréquente, qui consiste à donner le privilège à la syntagmatique. L’acte essentiel, la règle d’usage essentielle, c’est la combinatoire, et le paradigme est seulement un moyen qui permet de former des classes d’unité ayant les mêmes possibilités combinatoires, donc subordination de la paradigmatique à la syntagmatique. Thèse plus rare, mais qui est celle de Martinet, [85 :00] ça s’organise assez bien : l’acte fondamental du langage, ce sont les choix, à tous les niveaux, au niveau phonématique, au niveau monématique. Ce sont les choix. Et un syntagme ne peut pas être constitué si l’on ne considère pas les autres unités qui auraient été possibles, donc une sorte de primat de la paradigmatique qui est très, très intéressant, dans les thèses de Martinet. Position moyenne, ce qui n’exclut pas les plus grands génies : indépendance des deux dimensions qui est très bien représenté par Jakobson, avec les deux pôles, avec les deux pôles, avec les deux pôles indépendants.

Bon. Où je veux en venir ? Voilà. Comprenez, qu’est-ce qui va être la thèse de Metz ? Enfin, on est en mesure, pour terminer [86 :00] cette séance, de dire ce que signifie l’énoncé de la grande thèse de Metz, à savoir : le cinéma, langage sans langue. Cela veut dire, l’image cinématographique n’est pas une langue et ne forme pas et n’appartient pas à une langue, car on n’y trouvera aucun phénomène de double articulation. Donc elle n’a aucun des éléments qui définissent une langue. [Pause]

En revanche, [Pause] elle a des règles d’usage, [Pause] [87 :00] de nature surtout syntagmatique, secondairement paradigmatiques, et qui définissent cette fois-ci non pas des éléments linguistiques, mais des règles d’usage langagières. [Pause] En d’autres termes, relation syntagmatique et relation paradigmatique sont des règles d’usage qui définissent le langage. La double articulation est un état d’éléments qui définit la langue. [88 :00] Vous trouvez nécessairement du syntagme et du paradigme dans la langue. Mais vous ne trouvez pas exclusivement dans la langue du syntagme et du paradigme. Les règles d’usage langagières, syntagme et paradigme, peuvent s’appliquer à d’autres éléments que les éléments de la langue, et dans ces cas, on parlera d’un langage sans langue. Un langage sans langue est quelque chose, est un produit culturel qui présente ou qui se soumet aux règles d’usage syntagmatique et paradigmatique, bien qu’il ne présente pas les éléments [89 :00] de la langue.

Il y aura donc des langages sans langue. Si la mode ou si le vêtement est soumis à des syntagmes et paradigmes, alors c’est un langage sans langue. Si la musique est soumise à des syntagmes et paradigmes, alors c’est un langage sans langue, indépendamment de la question de savoir s’il y a des phonèmes ou des morphèmes, et une fois dit qu’il n’y en a pas. Ce n’est pas du tout les mêmes niveaux. Ce qui définit le langage, ce sont les deux règles d’usage fondamentales.

C’est entendu que dans la langue, ces règles d’usage portent sur les éléments de la langue, mais elles peuvent très bien porter sur d’autres éléments que les éléments de la langue, les éléments de la langue se définissant par la double articulation. Mais [90 :00] syntagmes et paradigmes n’exigent en rien la double articulation. Ils s’appliquent aux éléments de la double articulation, ils n’en dépendent pas.

Donc vous pouvez très bien, non pas parler d’une langue cinématographique, mais vous devez parler d’un langage cinématographique s’il est vrai que – ça ne va pas être rien à montrer – s’il est vrai que l’énoncé cinématographique – voyez, d’où son enchaînement : tout est fondé – s’il est vrai que la narration qui a comme élément des énoncés, énoncés analogiques donc qui ne sont pas des énoncés de langue, énoncés iconiques, énoncés analogiques, ben, si aux énoncés analogiques ou iconiques du cinéma s’appliquent effectivement des syntagmes et paradigmes, le cinéma est un langage. [91 :00] Il a fait passer la question du rapport cinéma-langue-langage du statut platonicien au statut kantien.

À quelles conditions le cinéma peut-il être considéré comme un langage ? Réponse : s’il est vrai que l’image cinématographique peut être réduite à un énoncé non linguistique, c’est-à-dire à un énoncé analogique, et si, à ce titre, cet énoncé analogique est soumis à des règles syntagmatiques et paradigmatiques. [Pause] — Vous avez l’air atterrés [Rires] — En tout cas, on ne peut pas lui refuser la rigueur à ce niveau. La rigueur est payée à quel prix ? Tout ce qu’on a vu avant, [92 :00] tout ce qu’on a vu avant. Nous en sommes exactement là, donc il faudra une autre séance : qu’est-ce que c’est que les syntagmes et paradigmes proprement cinématographiques ? C’est-à-dire qu’est-ce que c’est que la grande syntagmatique ? [Fin de l’enregistrement] [1 :32 :16]

 

Notes

For archival purposes, the augmented version of the complete transcription with time stamp was completed in September 2021. Additional revisions we added in February 2024.

Let us note that while this session’s length seems truncated (92 minutes recording time), we have no clear indication of a missing cassette, especially as the transition between the two parts appears consistent.

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